Alexandre Zinoviev
- llb154
- 23 mars
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Dernière mise à jour : 24 mars
LE POEME DU DEVOIR
Le Poème du devoir fit beaucoup de bruit dans tous les milieux et les sphères et promut le Littérateur au rang des penseurs les plus doués d'Ivanbourg et des environs. Comme on le sait, dans sa version définitive, le poème fut publié en deux parties, sous la forme qui suit :
I
Je suis fier de ce tas où je patauge jusqu'au cou.
II
Et je lèche le cul dirigeant auquel je me dévoue.
Selon des rumeurs contradictoires, il y aurait eu d'autres versions du poème que la censure aurait refusées ; le poème aurait été publié avec de grosses coupures et sous la pression d'un puissant courant d'opinion qui venait d'en haut à droite. Un article audacieux du Penseur mit fin tous ces racontars. Après avoir pénétré dans le sanctuaire de la création du Littérateur, que celui-ci avait spécialement conçu à cet effet après la publicatin du poème, le Penseur démontra d'une façon très convaincante que l'auteur avait décrit une longue évolution créatrice.
Le Collègue lut le poème et dit :
Toute l'histoire partout répète
Une loi qu'ainsi j'énoncerai :
Un peu crétins sont les poètes,
Mais lui, il est vraiment parfait.
Alexandre Zinoviev, Les Hauteurs béantes, 1976
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